L’effet Matilda
Dans le cadre de l’axe « Construction des savoirs et des pratiques : acteurs et enjeux de ‘visibilisation’ (XIXe-XXIe) » porté par l’équipe GHDSO, une première séance de séminaire aura lieu le vendredi 9 octobre de 10h à 12h.
Cette séance aura lieu en présentiel, un lien permettra également d’accéder à distance aux échanges.
Ces séances seront l’occasion de travailler collectivement sur un terme nodal, que ce soit en terme de posture ou d’objet de recherche. Pour lancer le séminaire, Hélène Gispert reviendra sur les premiers usages du terme « visibilisation » (terme venant de l’historienne des sciences Margaret Rossiter) :
« The Matthew Matilda effect in Science » (Margaret Rossiter 1993) – De premiers éléments historiographiques sur l’invisibilisation des femmes dans les sciences
En 1968, Robert Merton nomme « Matthew effect », le phénomène de « halo » qui attribue à des scientifiques renommés des travaux qu’ils n’ont pas fait, ou pas fait seuls. Une démonstration sociologique savante de l’adage « il pleut toujours où c’est mouillé »…
Ceci implique, second temps de l’effet Matthieu, que celui qui n’est pas connu ne se voit pas attribué ses propres travaux au bénéfice des plus connus ou, dans notre autre formulation, qu’ il ne pleut pas là où il n’a pas déjà plu. S’attachant à l’histoire qui a été faite au cours du XXe siècle aux États Unis des femmes scientifiques, Matilda Rossiter reprit l’analyse de Merton de ce phénomène d’invisibilisation en montrant sa permanence et sa spécificité dans le cas des femmes. Elle le baptisa l’effet Matilda.
Depuis, une importante littérature est parue aux États Unis et dans le monde anglo-saxon. En revanche, quasiment aucun travaux en langue française. »
Descriptif de l’axe « Construction des savoirs et des pratiques : acteurs et enjeux de ‘visibilisation’ (XIXe-XXIe) »
L’enjeu de cet axe est double : être fédérateur au-delà des spécificités disciplinaires et aboutir à des apports individuels et collectifs, avec une production commune. Il rassemble des historiens des sciences et des techniques (D. Berdah, M. Clery, R. d’Enfert, D. Fauque, V. Fonteneau, M. Itoiz, A. Jacq), sociologue (A. Bidois), spécialiste des sciences de l’information et de la communication (A. Jolivet).
Pour le structurer, la question des « acteurs et enjeux de visibilisation » a été retenue car elle correspond pour chacun des contributeurs soit à une spécificité forte de ses recherches, soit à un enjeu des recherches à venir, soit des problématiques contemporaines, soit historiques. S’appuyant sur plusieurs projets, la difficulté et l’enjeu seront de les faire évoluer sans cloisonnement, ce qui implique un dialogue constant entre questionnement et projets. Les enjeux de ‘visibilisation’ seront traités à deux niveaux en suivant les co-productions et circulations de savoirs et de pratiques en sciences, médecine et santé. Le premier appréhendera les processus de visibilisation en tant qu’objet de recherche, en étudiant les stratégies mises en œuvre par les différents acteurs afin de se rendre visibles et en interrogeant les multiples finalités (reconnaissance, régulation, légitimité et conséquences quant à l’évolution de leurs pratiques). Le second niveau s’ancre sur l’expertise du GHDSO de travailler au-delà des élites scientifiques et de leurs institutions, en élargissant les sphères étudiées à des acteurs peu ou pas visibles (entrepreneurs, artisans, praticiens, préparateurs, enseignants, vétérinaires, etc.). Il s’agira de tirer toute la portée historiographique de cette posture de recherche. A. Jolivet proposera une réflexion sur la structuration de l’éthique dans les établissements de santé, afin de mettre en lumière les formes de mise en visibilité des pratiques et des acteurs que ces dispositifs peuvent engendrer. Il s’agira de se demander dans quelle mesure l’institutionnalisation de l’éthique donne à son potentiel transgressif une visibilité et une portée régulatrice particulière.
Pour les problématiques historiques, l’une portera sur les sociétés savantes, industrielles, etc. Dans le prolongement du travail sur l’offre locale, il s’agira d’étudier l’investissement de ces acteurs collectifs dans la formation, de la sociabilité de la vie savante qui s’y joue, des profils de ses membres (A. Bidois, R. d’Enfert, V. Fonteneau). D Fauque continuera son travail sur les manifestations publiques des sociétés savantes académiques et industrielles de la chimie « qui donnent à voir » leur travail de normalisation/standardisation, de ces sociétés qui font le lien entre la société civile, le monde académique, le monde industriel et le monde politique. Une seconde problématique portera sur les questions sciences-industrie, avec des travaux sur les ingénieurs chimistes dans le prolongement de son HDR pour V . Fonteneau, ceux de D. Berdah et A. Jacq autour des processus de médicalisation de l’agriculture et ses nombreux acteurs (vétérinaires, associations de la société civile, syndicats agricoles, zootechniciens, membres de l’industrie pharmaceutique, etc.), enfin ceux de Matthias Cléry sur le rôle des mathématiciens dans le champ des assurances en France entre 1918 et 1940. La troisième problématique traitera des instruments scientifiques dans une approche locale, en les replaçant dans leur contexte (le ou les laboratoires, l’institution, les hommes/femmes qui les fabriquent, les utilisent, les réparent – artisans, chercheurs, enseignants, techniciens, étudiants, etc.) (V. Fonteneau, M. Guedj, M. Itoiz)